Le design italien a marqué de son empreinte le XXe siècle en incarnant un mélange fascinant d’élégance et d’innovation. Les décennies des années 50, 60 et 70 ont été témoins de la renaissance de l’Italie, tant sur le plan économique que culturel, après les ravages de la Seconde Guerre mondiale. Le pays a surmonté ses défis grâce à une remarquable créativité et un engagement à la reconstruction. C’est dans ce contexte que la création italienne a émergée comme une force incontournable sur la scène internationale, offrant au monde des pièces intemporelles qui continuent d’inspirer et d’influencer le design contemporain.
La période d’après-guerre a profondément influencé le design italien, notamment en raison de la domination économique et culturelle des États-Unis. Le Plan Marshall de 1947 a joué un rôle crucial en aidant à la reconstruction de l’Italie et en établissant le dollar comme monnaie de référence. Le mode de vie américain est devenu la norme pour le monde occidental, ce qui a incité les designers italiens à repenser leurs approches et à explorer de nouvelles voies. Cette époque a été marquée par des expositions telles que la Triennale de Milan, où de jeunes architectes et designers ont cherché des moyens innovants de concevoir des meubles et des logements adaptés à une époque caractérisée par des espaces restreints et une demande croissante de rationalité.
Les années 50 : la renaissance du design italien
Les années 50 ont été une période de renouveau pour l’Italie, à la fois sur le plan économique et culturel. La Seconde Guerre mondiale avait laissé le pays dans un état de dévastation, mais les Italiens ont rapidement relevé le défi de la reconstruction, faisant du design un moteur de leur renaissance. C’est dans ce contexte que le design italien a commencé à rayonner à l’international.
En 1955 et 1958, Londres a été le théâtre de deux expositions majeures consacrées au design italien. Toutefois, le principal évènement de référence est resté la Triennale de Milan, qui a organisé sa dixième édition en 1954. Lucio Fontana y a joué un rôle clé en introduisant le jeune industriel du mobilier Dino Gavina, lui offrant l’occasion de rencontrer des figures éminentes du design italien, notamment Pier Giacomo et Achille Castiglioni, Carlo Scarpa et Luigi Caccia Dominioni. Parmi les lauréats, la société Stilnovo, fondée à Milan en 1946 par le designer italien Bruno Gatta, remporte plusieurs Grands Prix dont la médaille d’argent pour la lampe à bras 1123.
Cette même année, Gio Ponti a créé le prestigieux Prix Compasso d’Oro, qui a notamment primé la chaise Mod. 683 conçue par Carlo De Carli pour Cassina. Père fondateur du design industriel italien, Ponti a exercé une influence considérable sur la nouvelle génération : Piero Fornasetti et ses créations aux motifs fantaisistes, Ico Parisi et son association de bois précieux et du métal, Franco Albini et son amour pour le rotin… participent aux succès des productions italiennes à travers le monde, réputées pour leur grande qualité de fabrication.
La Triennale XI de 1957 a accueilli l’Exposition internationale de design industriel. Cependant, le design de la maison et de son ameublement a continué à se développer. Cette année-là, Pier Giacomo Castiglioni et Achille Castiglioni ont annoncé leur programme de mélange entre histoire et modernité lors de l’exposition « Colori e forme nella casa d’oggi » (Couleurs et formes dans la maison d’aujourd’hui), qui s’est déroulée à la villa Olmo de Côme. Ce programme visait à fusionner les éléments historiques et modernes dans la conception d’espaces de vie, anticipant ainsi la tendance à l’éclectisme qui allait caractériser le design italien des années à venir.
Lumière sur 3 designers italiens des années 50
Designer italien emblématique, Gio Ponti a créé la célèbre Superleggera en 1957. Cette chaise en bois élégant et léger est devenue une véritable icône, démontrant l’engagement du créateur envers la fonctionnalité, la simplicité et la beauté.
Carlo Mollino a laissé une empreinte durable avec ses créations innovantes. Cette table basse sculpturale de 1949, avec ses courbes organiques en contreplaqué d’érable, est un exemple parfait d’une esthétique avant-gardiste.
Franco Albini est reconnu pour sa capacité à travailler avec des matériaux naturels, comme pour le célèbre fauteuil Margherita et la chaise Luisa qui remporta le Compasso d’Oro en 1955. Des assises en rotin aussi belles que fonctionnelles.
Les années 60 : une décennie d'expérimentation
Les années 1960 ont marqué un développement significatif du design italien. De nouveaux matériaux ont été introduits dans le domaine du mobilier, notamment le polyuréthane, utilisé pour le rembourrage, ainsi que les matières plastiques, dont le prix Nobel de chimie a été attribué à Karl Ziegler et Giulio Natta pour leurs contributions dans le domaine de la chimie des polymères. Ces matériaux ont permis le passage de la production artisanale à la production en série.
La tradition fonctionnaliste des designers doit alors intégrer de nouveaux paramètres : esthétisme, confort, innovation et se soumettre à une technicité industrielle : ce compromis passera par le plastique moulé. Pendant cette période d’expérimentation, des meubles et luminaires emblématiques ont vu le jour, comme la chaise K4999 de Marco Zanuso pour Kartell (1960), les lampes Chimera de Vico Magistretti (1966) et Electra de Giuliana Gramigna (1968) éditées par Artemide, la série de luminaires de Achille et Pier Giacomo Castiglioni pour Flos, et bien sûr, les luminaires exceptionnels de Gino Sarfatti, considéré comme le roi de l’éclairage, fondateur d’Arteluce qui sera repris par Flos en 1974.
En 1968, la XIVe Triennale de Milan a été le théâtre de l’émergence de conceptions avant-gardistes sous l’influence du critique d’art Germano Celant, notamment le mouvement de la conception radicale. Des groupes tels que UFO, Archizoom Associati, Franco Raggi, et Gaetano Pesce ont contribué à ce mouvement en proposant le concept de « contre-design », mettant en avant des approches pratiques et théoriques capables de transcender les discours disciplinaires traditionnels du design. Une décennie caractérisée par une remise en question des normes esthétiques conventionnelles au profit d’une approche plus expérimentale et audacieuse.
Lumière sur 3 designers italiens des années 60
Joe Colombo était un précurseur du design industriel. Sa chaise Elda, créée en 1963, incarne le style futuriste de l’époque avec sa coque en forme d’œuf et son revêtement en cuir. Cette pièce est un exemple du design organique qui a marqué la décennie.
Afra et Tobia Scarpa, ce célèbre couple de designers qui a laissé une marque indélébile sur le design italien au XXe siècle. Leur canapé Soriana, créé en 1969, était une pièce révolutionnaire avec ses formes organiques et son revêtement en cuir. Photo : mise en scène d’E. Vidal
Les années 70 : l'éclectisme et l'affirmation du design italien
Les années 70 ont vu l’émergence de l’éclectisme et du minimalisme dans le design italien. Les designers de cette époque ont exploré de nouvelles formes et matériaux, tout en conservant un engagement envers la fonctionnalité.
En 1972, l’exposition majeure au MoMA de New York, intitulée « Italy: The New Domestic Landscape. Achievements and Problems of Italian Design, » a affirmé la primauté de l’ameublement italien, avec le label « Italian design. » Elle a notamment donné naissance au pouf Sacco de Piero Gatti, Cesare Paolini et Franco Teodoro, mais aussi à une multiple d’objets, des téléviseurs, des radios, des lecteurs de disques, ou encore la Kar-A-Sutra de Mario Bellini, devenue le prototype de tous les monospaces ultérieurs. Ce designer touche-à-tout, huit fois lauréat du prix Compasso d’Oro, a également signé des pièces de mobilier emblématiques des seventies : le canapé Camaleonda (1971), le canapé Bambole (1972) ou la chaise CAB 412 (1977).
La quinzième édition de la Triennale de Milan, en 1973, a été l’hôte de l’Exposition internationale de design industriel organisée par Ettore Sottsass et Andrea Branzi. C’est la dernière fois qu’est attribuée la médaille d’or, remportée par Roberto Sambonet. Parmi les médailles d’argent, on retrouve les luminaires de Gae Aulenti et Achille Castiglioni. En 1974, lors d’une exposition à la Galleria Milano, Enzo Mari a révolutionné le design avec son manifeste « Proposta per un’autoprogettazione, » encourageant le concept du « do it yourself. » Il a fourni des plans pour créer des meubles fonctionnels avec des matériaux simples.
Des nombreuses icones du design italien sont issues des années 70 : la table Diesis d’Antonio Citterio pour B&B Italia, la chauffeuse Form de Piero Lissoni pour Kartell, le système modulaire Componibili d’Anna Castelli Ferrieri pour Kartell, sans oublier le fauteuil et repose-pieds Up Du5 et Du6 de Gaetano Pesce pour B&B Italia.
Lumière sur 3 designers italiens des années 70
Vico Magistretti a contribué à l’essor du minimalisme italien. Sa lampe Eclisse, avec son abat-jour qui tourne pour régler l’intensité de la lumière, est devenue un symbole d’innovation dans le design, ou encore la lampe Atollo qui remporta le Compasso d’Oro en 1979.
Carlo Nason choisi Mazzega pour développer sa collection de lampes, telles que les célèbre Lotus, Birillo et Iceberg, qui se distinguent par leur esthétique novatrice, mettant en avant des luminaires en verre soufflé à la main aux formes organiques.
Le miroir lumineux Ultrafragola d’Ettore Sottsass était déjà très audacieux, en 1970, avec ses couleurs vives et ses lignes sensuelles. Dans les années 80, Sottsass deviendra le chef de file du mouvement Memphis, un groupe de designers italiens qui bousculera les conventions du design.