Dominique Pouchain : le bestiaire poétique d’un maître de la sculpture animalière

Dans son atelier de Montjoux, entre les collines de Dieulefit et la lumière changeante de la Drôme provençale, Dominique Pouchain façonne depuis plus de quarante ans une œuvre singulière, habitée par des créatures étranges et familières, mi-réelles mi-rêvées. Son univers est peuplé de chiens massifs, de chevaux dociles, de chats aux courbes tendues, de taureaux, d’hippocampes, d’êtres hybrides aux regards muets. Ces figures forment un bestiaire à la fois archaïque et onirique, né de la terre, du feu et d’une mémoire nourrie d’imaginaires d’enfance.

Le savoir-faire en héritage

Fils du peintre et céramiste Jacques Pouchain, Dominique grandit dans l’odeur des émaux et le vacarme sourd des fours. Il entre dans l’atelier parental à l’âge de 17 ans et s’inscrit quelques années plus tard à la Chambre des métiers comme artisan potier. Mais très vite, la fonction cède le pas à la forme. Le bol devient corps, le pichet museau, la cruche profil d’animal.
Ses premières pièces sont d’un noir mat profond, obtenu grâce à un jus d’oxyde qui capte l’œil et semble absorber la lumière. À partir de 1992, il introduit la couleur dans son travail grâce à l’alquifoux, un émail traditionnel du Sud méditerranéen. Le noir devient alors support de lumière, révélant des teintes franches, parfois éclatantes, toujours maîtrisées. Cette tension entre la gravité du noir et la joie de la couleur est l’un des traits distinctifs de son œuvre.

Un bestiaire de l’imaginaire

Chez Dominique Pouchain, l’animal n’est jamais un sujet d’étude. Il est matière à rêve, point de départ d’un élan. Ce n’est pas le réel qu’il cherche à saisir, mais ce qu’il appelle un « ailleurs ». Ses sculptures sont moins des portraits que des présences, des compagnons silencieux venus d’un monde parallèle, tendre et un peu absurde, à l’image de ces taureaux massifs au regard doux, ou de ces chevaux ronds aux jambes arquées.
En 2003, il commence à faire fondre ses formes en bronze, dans une volonté de prolonger son geste dans une matière autre, plus dense, plus pérenne. Parallèlement, il explore les monotypes — une forme d’impression unique mêlant encre, bâtons d’huile et dessin à main levée. Le trait y prolonge la sculpture, jouant avec les contours et les échos formels. Toujours, les animaux reviennent. Parfois très présents, parfois simplement suggérés, presque dissous dans l’abstraction.

Une œuvre reconnue

Son travail est aujourd’hui exposé dans plusieurs galeries françaises, notamment à la Galerie Glineur, et ses œuvres ont rejoint de nombreuses collections privées, en France et à l’international. Son atelier de Dieulefit, qu’il partageait encore récemment avec son père, reste un lieu de création, de mémoire et de transmission. C’est là que Jacques Pouchain a réalisé ses dernières cuissons, dans le four de son fils. C’est là, aussi, qu’une lignée d’artistes continue de dialoguer avec la matière.
Dominique Pouchain ne sculpte pas seulement des animaux. Il sculpte des silhouettes de silence, des présences qui nous regardent sans juger, des formes douces et graves, comme sorties d’un rêve ancien. Un art profondément incarné, poétique et vivant — à l’image de l’artiste lui-même.